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Chapitre III Thich Tri Siêu
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" Chakra
" en sanscrit signifie " roue " ou " cercle tournant autour de son axe
". Les chakras sont des usines qui emmagasinent ou qui produisent de l'énergie,
de vraies centrales énergétiques. Le yoga indien comprend en gros quatre
voies distinctes :
Dans le Karma Yoga, le pratiquant accomplit toutes sortes d'actions désintéressées. C'est la voie du service, du don et du détachement qui vise à éliminer le petit " moi " ordinaire pour retourner au Grand Soi ou au Vrai Soi. Dans le Bhakti Yoga, le pratiquant oriente son âme et son esprit vers le principe suprême par la vénération, les cérémonies, la récitation des textes sacrés et des mantras. Il s'efforce de s'unir à la Vérité Ultime par le biais de la foi et de la dévotion. Dans le Jnana Yoga, le pratiquant cherche la libération par la sagesse, par l'étude approfondie des textes sacrés du Véda, par la réflexion et la contemplation de la nature propre. Dans le Raja Yoga, le pratiquant réalise la maîtrise de son corps et de son esprit par les exercices inclus dans les huit branches de la pratique qui sont: yama, niyama, asana, pranayama, pratyahara, dharana, dhyana et samadhi. De nos jours en Occident, les gens pratiquent le Hatha Yoga, qui n'est qu'une petite partie du Raja Yoga, comprenant seulement deux des branches mentionnées ci-dessus: les asanas qui sont des postures corporelles, et le pranayama qui comprend des exercices respiratoires qui permettent de purifier les canaux subtils (nadi, parmi lesquels on trouve les trois canaux principaux décrits plus haut.) Le Bouddhisme distingue également trois sortes de pratiquants :
Beaucoup de fidèles bouddhistes vietnamiens considèrent que le yoga n'a rien à voir avec le Bouddhisme et qu'il ne faut pas mélanger les deux. Quant à moi, je pense que le yoga appartient au domaine scientifique, comme les mathématiques, la chimie ou la physique, et qu'il n'est pas une religion. Il n'appartient pas exclusivement à l'Hindouisme et n'importe qui peut le pratiquer. Le Bouddha a-t-il enseigné les arts martiaux pratiqués par les moines du monastère de Shao Lin? L'ordinateur n'est pas une invention bouddhiste, et pourtant on l’utilise actuellement dans tous les centres bouddhistes occidentaux. L'Anuttara Yoga Tantra du Vajrayana tibétain parle abondamment des trois canaux Sushumna, Ida et Pingala ainsi que des chakras, mais il ne mentionne que quatre au lieu de sept chakras. Je donnerai ici une description sommaire des sept chakras selon la tradition yogique indienne. Les sept chakras principaux s'étagent le long du canal central Sushumna. De bas en haut, nous avons: Premier chakra: Mouladhara Il se situe entre l'anus et les organes sexuels et correspond au point Hui Yin de l'acupuncture. On le représente par un lotus à quatre pétales de couleur rouge. Sa syllabe-germe est LAM. Le feu énergétique de la Kundalini s'y tient caché. Le yogi qui maîtrise la visualisation de ce chakra contrôle l'élément Terre, est parvenu à purifier son karma passé, connaît les trois temps (passé, présent et avenir) et jouit d'une félicité naturelle. Deuxième chakra: Svadhisthana Il se situe quatre doigts en dessous du nombril et correspond au point Quan Yuan de l'acupuncture. On le représente par un lotus à six pétales de couleur orange. Sa syllabe est VAM. La maîtrise de la visualisation de ce chakra nous donne le contrôle de l'élément Eau et de nos sens, et l’accès au monde astral. Le yogi élimine à ce stade le désir, la haine, la jalousie, l'orgueil et toutes les autres émotions perturbatrices. Troisième chakra: Manipoura Il se situe entre le nombril et le sternum, et correspond au point Zhong Wan de l'acupuncture. On le représente par un lotus à dix pétales de couleur jaune. Sa syllabe est RAM. Le yogi qui maîtrise la visualisation de ce chakra contrôle l'élément Feu, n'a plus peur d'être brûlé et échappe complètement à la maladie. Quatrième chakra: Anahata Il se situe au centre de la poitrine et correspond au point Shan Zhong de l'acupuncture. Il est représenté par un lotus à douze pétales de couleur vert avec la syllabe YAM. La parfaite maîtrise de sa visualisation donne le contrôle de l'élément Air, permet au yogi de voler dans l'espace, de s'approprier le corps d'un autre être et lui accorde les vertus célestes et l'amour universel. Cinquième chakra: Visouddha Il se situe juste sous la gorge et correspond au point Tian Tu de l'acupuncture. On le représente par un lotus bleu à seize pétales avec la syllabe HAM. La maîtrise de sa visualisation donne au yogi le contrôle de l'espace. Son corps ne se détériorera plus, même lorsque le monde sera détruit. Sa sagesse embrasse les quatre Véda et les trois temps (passé, présent et futur). Sixième chakra: Ajna Il se situe entre les deux yeux, à l'endroit que les écoles ésotériques appellent le " troisième oeil " et qui correspond au point d'accupuncture Yin Tang. On le représente par un lotus d'un bleu profond à deux pétales, avec la syllabe KSHAM. La maîtrise de sa visualisation permet au yogi de purifier complètement tout son karma antérieur et de devenir un être totalement libéré dans cette vie même, ayant atteint les huit pouvoirs supra-normaux (siddhis) et les trente deux pouvoirs subordonnés. Septième chakra: Sahasrara Il se situe au sommet du crâne et correspond au point d'accupuncture Bai Hui. On le représente par un lotus à mille pétales de couleur violet, blanc et jaune, avec la syllabe OM. Lorsque l'énergie ignée de la kundalini remonte jusqu'à ce chakra, le yogi réalise l'union avec le principe suprême, devenant ainsi un être parfaitement éveillé et libéré. C'est le but ultime de la pratique yogique. Par ailleurs, d'après la psychologie et la psycho-physiologie, chaque chakra correspond à un type d'émotion et au fonctionnement des glandes endocrines du corps. Comme je l'ai dit plus haut, les chakras sont des centrales énergétiques qui emmagasinent l’énergie de l’univers et de la nature pour la rediffuser ensuite afin de nourrir le corps grossier et le corps subtil. Chez une personne normale en bonne santé, ces sept chakras fonctionnent correctement, sans obstruction, ni trop vite ni trop lentement. Par contre, lorsque l’on éprouve une vive émotion, que l’on refoule ses sentiments ou que l’on est gravement blessé physiquement lors d’un accident, les chakras peuvent être endommagés et ne plus fonctionner correctement. Le corps perd alors progressivement son énergie, ce que la médecine orientale appelle le stade où les souffles et les humeurs ne circulent plus. Nous faire soigner par l’acupuncture ou prendre des vitamines ne pourra compenser qu’en partie le déséquilibre, sans pouvoir y remédier complètement si la blessure au niveau des chakras est profonde. Le Bouddhisme vietnamien a adopté les théories du Yin et du Yang, des cinq éléments, des méridiens et des centres nerveux de la médecine orientale, et d’excellents thérapeutes sont apparus au sein de la Sangha, comme le Maître Zen Tuê Tinh au 14ème siècle ou, pour rester plus proche de nous, le révérend Thich Tâm An. Beaucoup de moines et de nonnes apprennent également l’acupuncture pour être à même d’aider efficacement les personnes qui souffrent et mettre ainsi en pratique l’idéal du Bodhisattva. La connaissance de la théorie des chakras nous fournit un outil et un moyen supplémentaire pour réaliser cet objectif.
En plus des chakras, l’homme possède également une aura et sept corps subtils qui enveloppent le corps grossier constitué des quatre éléments. La Théosophie parle abondamment de ces derniers, mais je considérais autrefois la Théosophie comme une sorte de secte à laquelle je ne pensais pas qu’il vaille la peine de prêter attention, jusqu’à ce que je rencontre en 1995 des amis occidentaux parmi lesquels certains étaient capables de voir l’aura. Il existe quelques endroits à Paris où l’on utilise la technique de Kirlian pour photographier l’aura. Par curiosité, je m’y suis rendu pour faire prendre une photo de mon aura et ensuite comparer le résultat avec ce que mes amis percevaient. Motivé par le désir de me soigner et de guérir les autres, j’étudie ces phénomènes et m’exerce à les percevoir depuis 1996, et je suis maintenant parvenu à percevoir les chakras et quatre corps subtils. Quant à l’aura, je ne la vois toujours pas, mais j’ai un ami canadien qui vit au Québec, Martin Beaupré, peintre et coiffeur de son métier, qui possède depuis l’enfance le don inné de voir l’aura. Ce que m’a confié Martin m’a permis de confirmer ce que je savais déjà des chakras sans en avoir jamais fait l’expérience, et d’apprendre bien d’autres choses étranges. J’ai appris ainsi grâce à lui que, d’ordinaire, mon aura est d’un jaune orangé. Lorsque je récite le mantra " Om Mani Padmé Hung ", l’aura qui entoure ma tête vire au bleu ciel. Si je récite d’autres mantras, elle change de couleur. Si j’utilise des moudras (33), non seulement l’aura autour de mes mains change de couleur en fonction du moudra que je suis en train de faire, mais le chakra correspondant à ce moudra s’en trouve influencé. Grâce aux expériences que j’ai faites ainsi avec Martin et d’autres amis, les chakras, l’aura et les corps subtils ne sont plus pour moi des théories mystérieuses, farfelues ou hérétiques. Leur existence est maintenant aussi évidente pour moi que le fait que ma main puisse toucher et sentir une table ou une chaise. Les pratiquants du Mantrayana vietnamien récitent les mantras selon la prononciation chinoise. Bien que cette prononciation ne reflète pas la prononciation sanscrite, ces mantras conservent leur efficacité si on les récite avec foi et sincérité. Dans ce domaine, l’efficacité d’un mantra repose en grande partie sur la foi. Cependant, le Mantra Yoga souligne l’importance d’une prononciation parfaite du sanscrit. Le sanscrit est aussi appelé la " langue de Brahma " : il n’est pas considéré comme une langue ordinaire mais comme une langue divine dont chaque son, chaque syllabe est investi d’une énergie vibratoire particulière. Ainsi, lorsqu’il est prononcé de manière juste, un mantra a le pouvoir d’amener la conscience à un niveau supérieur, au-delà de la conscience dualiste, de lui faire atteindre des états de conscience plus subtils jusqu’à faire l’expérience de la vérité absolue. Le Mantrayana peut donc être considéré comme une " science des sons " dont le but est de réaliser le Principe Suprême, et non, comme certains le pensent souvent, de dompter les démons, d’exorciser les esprits ou de faire venir la pluie ou la tempête. |
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Bien
des gens fréquentent les temples pour y chercher des choses qui n’ont
rien à voir avec l’éveil spirituel.
La plupart des fidèles se rendent au temple pour y faire de grandes offrandes au Bouddha, en l’implorant de bien vouloir leur accorder la bonne marche des affaires et la prospérité de leur commerce. Ou bien ils tirent au sort des signes de divination: si le présage est bon, ils font, de joie, des dons conséquents au Bouddha, si le présage est mauvais, ils partent déçus sans rien offrir. Ceux qui se rendent ainsi au temple par souci de leur seul intérêt matériel témoignent d’un esprit superstitieux qui n’a aucun rapport avec le Dharma, mais hélas, ce sont souvent ces mêmes fidèles qui font vivre le temple et lui assurent sa prospérité. D’autres ont une meilleure compréhension de la Voie et se rendent à la pagode pour y réciter les soutras, écouter les enseignements, apprendre la doctrine et accumuler du mérite en participant bénévolement aux activités de la communauté. Ils considèrent que, plus ils récitent les prières et soutras meilleure sera leur pratique. Aussi, dès qu’ils ont terminé de réciter les soutras de base, ils se mettent à réciter les autres volumes de soutras, l’un après l’autre. Ils sont persuadés que plus on rend hommage aux Bouddhas, plus on purifie ses fautes. Ils font donc des prosternations, rendent ensuite hommage aux cinq cent noms du Bouddha, puis aux huit mille et enfin aux dix mille Bouddhas. Etudier le Dharma et écouter les enseignements a pour objectif principal de nous faire travailler sur notre esprit pour corriger nos défauts. Hélas, il nous faut constater que bien des gens n’utilisent leurs facultés intellectuelles que pour discerner quel moine est bon et critiquer tel autre comme mauvais. Accumuler des mérites en participant aux activités des temples devraient apprendre aux fidèles à agir dans un esprit de générosité et de détachement, mais combien d’entre eux ne le font que pour se faire bien voir par les moines et la communauté? Quitter maison, femme et enfants pour se faire moine témoigne d’un niveau de compréhension supérieur, mais il arrive qu’au bout d’un moment ces mêmes personnes s’accrochent à leur position et à leur aura de vertu. Ce qui me rappelle l’histoire de Huê Kha (34) . Parmi les trente-trois patriarches de l’école Zen, c’est celui que j’admire le plus. Il se coupa un bras pour prouver son détachement du monde et sa détermination dans la quête de la Voie. Devenu successeur de Bodhidharma (35) , il n’hésita pas finalement à quitter le monastère, à renoncer à sa position de patriarche et d’Abbé pour se fondre dans l’agitation du monde et se mêler aux gens ordinaires, pour affronter les épreuves et les défis du quotidien, éprouver sa réalisation et venir en aide aux autres hommes. S’il manque d’habileté et de discernement, le pratiquant risque fort de succomber à la maladie de " l’ego spirituel ": à peine entré sur la Voie, ne maîtrisant que les rudiments, le voilà déjà qui se prend pour quelqu’un de vertueux! Tous les mérites de sa pratique scrupuleuse seront alors récupérés par son ego. Bien que moine moi-même et comme je l’ai déjà expliqué dans mon livre " La Paramita du Don ", je n’aime pas trop l’expression "pratiquant de la Voie " ou " pratiquant religieux ". Etre moine et vivre sa spiritualité n’a que bien peu de rapports avec l’accomplissement de gestes formels extérieurs ou le temps passé au monastère. Comme le dit le proverbe: " L’habit ne fait pas le moine ". Porter les robes monastiques sans avoir fait sienne la leçon de l’amour, enseigner la compassion tout en ne se souciant égoïstement que de consolider son rang et son image de vertu, ces comportements vont à l’encontre de ce que je considère comme l’idéal monastique. Pour moi, pratiquer la Voie, c’est s’entraîner à vivre le spirituel dans le quotidien, spirituel s’opposant ici à matériel. Le spirituel est ce qu’il y a de sacré en l’homme, qu’on l’appelle Dieu, la Nature de Bouddha ou le Soi Véritable, peu importe. Ce qui importe avant tout, c’est de prendre conscience de cet aspect spirituel en nous. Sommes-nous vrais, vivons-nous de façon authentique nos sentiments et nos blocages? Ou bien sommes-nous en train de jouer le rôle d’un personnage d’emprunt, nous affublant de robes monastiques pour nous flatter d’être vertueux? Si je me suis engagé à pratiquer une voie spirituelle, c’est justement parce que je ne suis pas vertueux, parce que je manque de sagesse, parce qu’un bon nombre de mes émotions négatives m’empêchent de vivre heureux, parce que je n’ai toujours pas compris certaines leçons de la vie. Je dois pratiquer parce que je suis encore souvent dans la dualité entre le bien et le mal, entre l’attachement et l’aversion. Par ailleurs, je ne suis plus trop sûr à présent d’être encore un pratiquant religieux dans l’acceptation habituelle du terme. La seule chose dont je sois sûr, c’est que je veux vivre de manière authentique, que je veux être vrai par rapport à ce que je suis dans son intégralité, corps et esprit. Je n’ai pas la prétention de vouloir devenir le maître de qui que ce soit, sinon d’être mon propre maître. Certains n’ont qu’une envie: jouer le rôle de maîtres et garder à tout jamais leurs élèves ou leurs disciples dans le rôle de disciples. Et il ne manque certes pas non plus de gens qui ne cherchent rien d’autre qu’un maître extérieur dont ils puissent faire l’objet de leur vénération - tel maître, tels disciples… Quant à moi, je crois qu’un vrai maître est celui qui fait prendre conscience à son disciple de la présence en lui-même du "maître intérieur". Le Bouddha fut un vrai maître. Devenu Bouddha, il nous enseigna comment éveiller et développer notre propre nature de Bouddha pour devenir nous-mêmes des Bouddhas semblables à lui. Le Bouddha n’a pas voulu qu’on le transforme en une statue immobile assise sur l’autel pour que l’on se prosterne à ses pieds. |
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La
loi des causes et des effets (36) est assez bien connue des Vietnamiens,
mais je veux ici l’aborder sous un autre angle.
Jusqu’à présent, la loi des causes et des effets a été en général interprétée comme une loi de juste rétribution: ceux qui agissent bien jouirons dans le futur de conditions favorables, ceux qui agissent mal rencontrerons des conditions difficiles ou, sous une autre forme, " Qui sème le vent récolte la tempête ". C’est à cause de la peur qu’ils éprouvent pour cette loi, par crainte des conséquences futures, que bien des gens n’osent pas commettre le mal. C’est aussi la raison pour laquelle certains font des offrandes généreuses, dans l’espoir d’un bonheur futur. Cette loi témoigne du fait que l’on récoltera nécessairement ce que l’on a semé, mais je ne crois pas personnellement qu’il s’agisse seulement d’une loi punitive, mais bien avant tout d’une loi nécessaire au bon développement de l’humanité. Ainsi, le Bouddha a dit: " Je suis un Bouddha réalisé, les êtres sensibles sont des Bouddhas en devenir. " Dans le Soutra du Lotus (37) , le Bouddha prédit à chacun de ses disciples quel sera leur nom et leur Terre Pure lorsqu’ils seront devenus des Bouddhas. Nous constatons ainsi que, non seulement les disciples du Bouddha, mais tous les êtres vivants deviendront un jour des Bouddhas, même si cela doit leur prendre un nombre incalculable d’ères cosmiques. La vie est une école gigantesque, qui comprend toutes sortes de classes et de niveaux, des plus bas aux plus élevés, du jardin d’enfant à l’université en passant par les classes primaires et secondaires. Il existe toutes sortes d’êtres humains et l’éventail des situations possibles est infini: certains sont riches, d’autres pauvres, les uns sont bons, les autres cruels, il y a les intelligents et les simples d’esprit, etc. Naître signifie que nous nous sommes inscrits à l’Ecole de la Vie, et que nous y avons été admis. Le devoir des élèves sera d’apprendre vite et bien pour passer de classe. Si nous sommes paresseux, si nous faisons l’école buissonnière, ne pensons qu’à nous amuser et avons l’esprit dissipé, nous devrons recommencer notre année, réapprendre sans cesse la même leçon jusqu’à ce que nous l’ayons vraiment assimilée. Alors seulement nous pourrons passer au niveau suivant. Lorsque nous serons passés par toutes les classes de l’Ecole de la Vie, nous n’aurons plus besoin de nous y réinscrire. Il ne nous restera plus rien à apprendre puisque nous serons devenus des Saints, comme le Bouddha, le Christ ou les grands Maîtres. Le véritable but de notre vie d’êtres humains sur cette terre, c’est d’apprendre et de nous développer jusqu’à ce que nous devenions parfaitement bons. La leçon la plus précieuse et la plus haute qu’il nous faudra apprendre est celle de l’amour. L’amour de soi et l’amour d’autrui. C’est ce que dans le Dharma on appelle la " Compassion ". Il faut aussi apprendre comment aimer, sans tomber dans l’attachement sentimental égoïste que l’on confond d’ordinaire avec l’amour. C’est pourquoi nous devons aussi en parallèle apprendre la leçon du savoir, de la compréhension, ce qu’on appelle la " Sagesse " dans le Dharma. Il faut comprendre pour aimer, et aimer pour être heureux. Dans ce contexte, comprendre ne se réfère pas à l’intelligence qui nous permet d’aborder la politique, l’économie, le commerce, les techniques, etc. Il y a d’excellents élèves qui ont obtenu des diplômes de haut niveau dans ces différentes branches, mais pour quoi faire? Pour trouver un travail et assurer la subsistance de leur famille, ou pour les utiliser à des fins égoïstes et nuisibles. Que nous soyons riches ou pauvres, bêtes ou intelligents, nous aspirons tous au bonheur. Nous voulons récolter le fruit, mais nous sommes incapables d’en semer la graine. Ou bien nous plantons la mauvaise graine en espérant malgré tout récolter le bon fruit. Nous cherchons sans cesse le bonheur, mais ne rencontrons autour de nous que la souffrance. Lorsque cette souffrance devient insupportable, nous nous tournons vers le Dharma, mais que nous enseigne le Dharma sinon la loi des causes et des effets: nous récolterons en fonction de ce que nous avons semé. Celui ou celle que nous aimons nous quitte et nous voilà plongé dans le désespoir. Nous ne soupçonnons pas une seconde que, dans nos vies antérieures, notre incapacité d’aimer nous a poussé à abandonner l’autre. Victime de la guerre, nous avons perdu femme et enfants et notre maison est détruite. Etouffant de ressentiment face à la cruauté brutale de l’ennemi, nous avons perdu tout souvenir des vies antérieures au cours desquelles nous avons tués nos ennemis sans la moindre pitié. Le Dhammapada commence par cette stance: L’esprit mène tous les dharmas (38)
Les causes de la souffrance ne sont pas les circonstances extérieures, ce ne sont pas les autres: nous sommes nous-mêmes les artisans de nos souffrances. Parce que nous ne cessons de courir derrière les choses matérielles en négligeant notre nature spirituelle, parce que nous ignorons la loi des causes et des effets, parce que nous n’apprenons pas à vivre dans l’amour, nous sommes plongés dans l’océan du Samsara, ballottés par les vagues de la souffrance et nous devons sans cesse revenir à l’Ecole de la Vie pour y apprendre encore et encore la leçon des causes et des effets, la leçon de l’amour. Bien des parents aiment leurs enfants mais ne savent pas les éduquer. Ils les gâtent trop et leur laissent tout faire. Ils confient aux enseignants le soin de leur apprendre comment se comporter dans la vie mais de nos jours, les écoles ne se chargent plus de ce genre de chose. Le rôle des enseignants se limite à inculquer à leurs élèves des connaissances qui leur permettront d’obtenir un diplôme pour trouver ensuite du travail. Seule l’Ecole de la Vie, avec ses leçons amères de maladies, d’accidents et de souffrances, peut réveiller l’homme et lui faire prendre conscience de la loi des causes et des effets. De nos jours, un certain nombre d’intellectuels et de scientifiques américains se penchent sur le problème de la réincarnation et l’étudient. Le plus connu d’entre eux est le médecin Ian Stevenson, de l’Université de Charlottesville dans l’état de Virginie. Après des années de recherches dans différents pays de par le monde, il s’intéressa tout particulièrement aux traces physiques qui marquent certaines personnes dès la naissance. Le cas du petit Witjeratna Hami, au Sri Lanka, n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres. Il naquit avec une main paralysée et, dès qu’il put parler, il affirma: " J’ai tué ma femme avec cette main avant de renaître ici. " Les Occidentaux ne croient pas ou ont du mal à croire à la réincarnation, de sorte que des livres comme celui de Stevenson sont précieux pour eux, car leur caractère scientifique de recherche objective donne du poids à la théorie de la réincarnation et tend à prouver qu’elle existe vraiment. Pour les Asiatiques, par contre, cette théorie n’a plus besoin d’être prouvée et ce qu’il convient de déterminer, c’est ce que la réincarnation nous apprend, et quelles leçons pouvons-nous en tirer. La leçon que nous enseigne la loi des causes et des effets, c’est que nous devons vivre notre vie en étant responsables de nos actions, de nos paroles et de nos pensées. Si nous vivons sans être conscients de ce que nous faisons, avec une attitude irresponsable, en faisant du tort aux autres et en ne poursuivant que notre propre intérêt égoïste, nous devrons revenir encore et encore à l’Ecole de la Vie, pour y apprendre la leçon du Samsara. En parlant de réincarnation et de ce qu’elle peut nous apprendre, je ne peux omettre de mentionner Edgar Cayce (1877-1956), qui naquit dans l’état de Kentucky. Il avait le don de connaître le passé de ses malades. Il entrait en sommeil hypnotique et voyageait ainsi dans le monde astral où il pouvait consulter les " annales akashiques ", le registre des actions accomplies par tous les êtres humains. Il lui suffisait de lire les informations concernant son patient pour connaître l’origine de sa maladie actuelle. C’est un peu l’équivalent de la connaissance des vies antérieures dont il est question dans le Bouddhisme. Non seulement Cayce était capable de dévoiler au malade la cause de sa maladie, mais il pouvait aussi lui indiquer le traitement, et la plupart obtinrent ainsi la guérison. Les archives de ses dossiers médicaux rassemblent plus de quatorze mille cas et sont conservées à l’ARE (Association for Research and Enlightenment) à Virginia Beach. On y trouve par exemple le cas d’une femme sourde de naissance. Cayce lui apprit que, dans une vie antérieure, elle avait refusé d’entendre les appels à l’aide d’une autre personne, et que c’était pour cette raison qu’elle était frappée maintenant de surdité. Il lui conseilla de prêter désormais attention aux souffrances des autres, de ne plus se boucher les oreilles et se fermer le cœur si elle était confrontée à la détresse d’autrui. Ce n’est que lorsque nous souffrons d’une rage de dents que nous comprenons ce que ressent quelqu’un qui a mal aux dents. Certaines personnes ont une santé de fer et ignorent ce qu’est la maladie. Ils manifestent une incompréhension et une indifférence totales face à la souffrance des gens atteints de maladie. Il y a fort à parier que ces mêmes personnes devront à l’avenir passer par les affres de la maladie ou de l’infirmité pour faire eux-mêmes l’expérience de la souffrance ressentie par les gens malades. Ce n’est que lorsqu’ils auront appris à s’aimer eux-mêmes et à aimer les autres que leur karma négatif sera purifié. Si pourtant ils ne comprennent toujours pas et se contentent d’aller au temple prier pour leur guérison, ils devront revenir une nouvelle fois pour essayer d’assimiler la leçon de la maladie. La maladie et la souffrance sont des leçons que nous devons apprendre. Nous devons non seulement les comprendre au niveau du processus karmique de la rétribution, mais aussi essayer d’écouter ce qu’elles s’efforcent de nous dire. L’être humain est fait de deux parties : le corps et l’esprit. Apprenons à écouter aussi bien notre corps que notre âme. Les fidèles souhaitent aux moines " un corps de dharma léger et paisible " selon la formule usuelle, ou encore que leurs " quatre éléments soient en harmonie ". Cette harmonie des quatre éléments ne va pas de soi. Au moindre déséquilibre, qu’un des éléments vienne à manquer ou qu’il soit en surplus, et nous voilà malades! Le but d’une vie spirituelle est d’acquérir la maîtrise de notre corps et de notre esprit. Si nous sommes incapables de prêter l’oreille à ce que nous dit notre corps, comment pourrons-nous régulariser et harmoniser les quatre éléments? Si nous n’entendons pas la voix de notre cœur, comment parviendrons-nous à défaire les nœuds intérieurs qui nous bloquent? Comment avoir le corps et l’esprit heureux, légers et paisibles si les quatre éléments sont en déséquilibre et que nos blocages intérieurs n’ont pas été éliminés? Je suis bien d’accord que la maladie et la souffrance sont dues à notre mauvais karma, mais qui a créé ce mauvais karma, sinon précisément nous-mêmes? |
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Comme
je l’ai expliqué dans un chapitre précédent, après quelques temps
de vie monastique, mon cœur s’était comme desséché. Le mot " compassion
" que je rencontrais régulièrement dans mes lectures me venait bien fréquemment
à l’esprit, mais ce n’était plus qu’un concept intellectuel.
A l’époque où je faisais mes études secondaires, j’avais déjà longuement réfléchi à ce qu’est l’amour. Je voyais autour de moi des couples qui s’aimaient passionnément, mais je constatais que leur flamme ne durait pas bien longtemps. Alors que j’étais en classe de seconde, j’eus moi aussi une petite amie mais, conscient de l’instabilité des sentiments, je n’ai pas osé l’aimer de tout mon cœur. J’avais trop peur de souffrir si, me laissant aller à l’aimer vraiment beaucoup, elle me quittait par la suite. Je me suis donc contenté de ne l’aimer qu’à moitié, de sorte que si elle me quittait, je ne souffrais aussi qu’à moitié. Arrivé à l’université, j’ai constaté que les jeunes filles vietnamiennes de bonne famille, imprégnées d’une morale confucéenne qui exclut toute mésalliance, ne sortaient qu’avec des garçons qui avaient obtenu ou visaient un diplôme d’ingénieur ou de médecin, etc. Pouvait-on encore appeler une telle relation de l’amour? Si l’on aime par contrainte, ce n’est là qu’une forme d’amour conditionné et conditionnel, c’est dire " je t’aime parce que tu as un diplôme de médecin ou d’ingénieur et que tu vas ainsi pouvoir satisfaire mes désirs. ". Ajoutons à cela que les parents, fidèles à la conception confucianiste traditionnelle, marient leurs enfants pour l’argent, la renommée et l’intérêt, et absolument pas en fonction des penchants amoureux de ceux-ci. Ces mariages arrangés ne tiennent compte que de la raison et du calcul et non des sentiments, ils étouffent le cœur qui n’a plus l’occasion de laisser l’amour se développer naturellement. Je ne voyais donc autour de moi que le mensonge et une parodie de l’amour, des gens qui ne vivaient ensemble que par égoïsme et intérêt personnel, aussi j’ai tourné le dos à l’amour. Tout ce que j’éprouvais encore, c’était seulement de la pitié. J’ai appris les mots " amour et compassion " lorsque je me suis tourné vers le Dharma. L’amour dans ce contexte, c’est apporter la joie, et la compassion, c’est sauver de la souffrance. Il y a beaucoup de moines qui, voulant faire l’éloge du Bouddhisme, enseignent que les notions d’amour et de compassion bouddhiques sont plus larges que les notions chrétiennes correspondantes, auxquelles font défaut l’intention de sauver les êtres de toute souffrance. Néanmoins, ne faut-il pas aimer au préalable avant de pouvoir apporter la joie aux êtres et les sauver? C’est parce qu’ils aiment leurs enfants et souhaitent qu’ils soient heureux, que les parents leur achètent des jouets ou qu’ils les consolent tendrement lorsqu’ils pleurent. J’aurai quelques difficultés à vous faire plaisir si j’y suis forcé alors que je ne vous aime pas. Et quand bien même j’y parviendrais, cela resterait un geste forcé qui ne jaillirait pas spontanément de mon cœur. Il se peut que je vous déteste, mais me sente obligé de vous traiter avec amour et compassion, de peur qu’on ne m’accuse d’être un mauvais moine. Il s’agit alors d’un amour et d’une compassion superficiels. Définir l’amour comme " apporter la joie " et la compassion comme " sauver de la souffrance " peut sonner bien, mais cela fait perdre son sens à l’amour. L’amour et la compassion vont en général de pair avec la joie et l’équanimité. Ce sont les quatre belles et nobles vertus que la terminologie bouddhiste appelle les Quatre Incommensurables, " Brahma Vihara " en sanscrit, ce qui signifie la demeure de Brahma, ou bien " Apramana ", qui signifie "incommensurable". Ces quatre vertus sont: Maitri: l’amour Karuna: la compassion Mudita: la joie, se réjouir du bonheur des autres Upeksha: l’équanimité, considérer tous les êtres, amis et ennemis, comme égaux. On appelle ces quatre vertus " incommensurables ", parce que les êtres étant en nombre infini, elles doivent être également infinies pour englober tous les êtres. Il ne s’agit pas d’aimer seulement quelques personnes qui nous sont proches, des membres de notre famille ou nos amis mais d’aimer tous les êtres. Il ne s’agit pas d’aimer seulement un groupe de gens ou un seul peuple mais d’aimer tous les peuples de la terre. En théorie, l’amour doit être vaste à ce point, mais en pratique, il nous est parfois difficile d’aimer ne fut-ce qu’une seule personne, alors comment parvenir à aimer tous les êtres? En fait, la première personne que je dois apprendre à aimer, c’est moi-même. Si je ne parviens déjà pas à m’aimer moi-même, comment pourrais-je aimer quelqu’un d’autre? Ne nous méprenons pas, s’aimer soi-même, ce n’est pas aimer son ego, c’est aimer tout son être. Prenons un exemple pour mieux comprendre la différence qui existe entre les deux. Je ne mesure qu’1m60, je suis donc très petit par rapport à la moyenne. Pour éviter que les gens ne remarquent ma petite taille, je porte des chaussures à semelles compensées. Mon ego aime se voir avec une taille d’1m70, mais mon être véritable ne mesure qu’1m60. Quand je porte des semelles compensées et que je me regarde dans la glace, je me trouve plus beau, je m’aime davantage, ce qui revient à dire en fait que j’aime mon ego. Par contre, lorsque j’enlève mes chaussures, je me vois tout petit dans la glace et je ne m’aime plus du tout. Si je savais aimer tout mon être, je m’accepterais tel que je suis vraiment, que je sois grand ou petit, beau ou laid. C’est ce qu’on appelle " l’équanimité ". Certaines personnes aiment seulement qu’on vante leur beauté ou leurs vertus, et n’apprécient pas du tout qu’on critique leurs défauts. Ils n’aiment que leur ego, mais l’ego n’est qu’un concept, une idée que nous nous faisons de nous-mêmes qui ne correspond pas à la réalité. Si, étant moine, je considère que je suis vertueux, que j’ai une connaissance approfondie des soutras, que ma pratique est pure, etc., je me forge ainsi un " moi " (ego) tout bon tout beau et je refuse de voir mes points faibles, j’ignore les aspects moins reluisants de ma personne et je prouve mon incapacité d’aimer tout mon être. Si je suis vraiment vertueux à ce point, si ma connaissance des textes sacrés est aussi érudite, pourquoi ai-je encore besoin de pratiquer? Mon ego me verra bientôt digne d’être un maître pour les autres. Si je refuse de voir les mauvais côtés de ma personnalité et que je n’éprouve pas la moindre sympathie pour eux, à quoi bon encore mener une vie de moine ou de pratiquant, puisque cette dernière implique un travail sur soi-même, pour changer ses mauvaises habitudes et ses émotions négatives ? Ce sont pourtant précisément mes mauvais côtés et mes souffrances qui ont besoin de ma sympathie et de mon attention. Ce sont eux qui ont besoin d’être transformés. Si je n’apprécie et chéris que mon bel ego clinquant, mais que je ne sais pas aimer cette autre partie de moi-même, où est donc ma compassion ? Avant de parler de la compassion qui sauve tous les êtres, demandons-nous avant tout si nous sommes capables de nous aimer nous-mêmes dans l’entièreté de notre être ou si nous n’aimons que notre ego, l’idée que nous nous faisons de notre " moi ". Mon ego voudrait un grand temple, et me voilà donc lancé, m’activant, participant financièrement, oubliant de manger et de dormir tant que ce temple n’est pas encore terminé. Cette attitude prouve bien que je ne me soucie que de servir mon ego et que je ne sais pas aimer mon corps et mon esprit qui ont besoin de suffisamment de nourriture et de repos. Revenons aux Quatre Incommensurables. Bien qu’ils soient au nombre de quatre, la présence d’un seul, l’Amour (Maitri) est en fait suffisante et implique les trois autres. Lorsqu’on aime, on éprouve tout naturellement le désir de soulager la souffrance de ceux qu’on aime. Si vous aimez vos enfants, vous vous ferez certainement du souci quand ils sont en difficulté et vous voudrez les aider. C’est l’amour qui nous fait sympathiser avec autrui, et cette sympathie nous fait partager leurs joies. Si vous aimez vos enfants, vous ressentirez la même joie que la leur lorsqu’ils réussissent leurs examens. Et c’est aussi seulement quand on aime qu’on peut traiter les autres comme des égaux. La seule chose à laquelle nous devons donc nous efforcer, c’est d’éveiller et de développer en nous l’amour, et les trois autres vertus seront automatiquement présentes. Mais comment éveiller l’amour? Toutes les religions prêchent l’amour, et pourtant les hommes ont toujours autant de mal à s’aimer les uns les autres. Pire encore, ils s’entre-tuent au nom de la religion! Les religions enseignent l’amour aux gens pour qu’ils le mettent au service de leur religion, elles enseignent un amour enrobé de lois et de préceptes. Les pères fondateurs des religions sont venus au monde pour servir les êtres vivants, convertissant les hommes par l’amour. Mais les disciples qui leur ont succédé par après n’eurent pas une capacité d’amour aussi vaste. Ils durent systématiser la doctrine et, sans le vouloir, petit à petit, ils emprisonnèrent l’amour. Pour prouver notre amour pour le Christ ou le Bouddha, on nous exhorte à faire ceci ou cela, à sacrifier jusqu’à notre vie pour sauver notre religion et, parfois, le fanatisme est poussé jusqu’à un tel extrême que certains sont prêts à tuer pour défendre leur foi! Les religions sont nées pour servir l’amour, ce n’est pas l’amour qui doit servir la religion. Nous ne trouverons pas l’amour dans les cérémonies et les rituels, ni dans l’étude des textes sacrés ou l’écoute des enseignements: nous devons le chercher directement dans la vie, dans nos contacts de tous les jours. L’amour doit pouvoir s’exprimer et être vécu par les " trois portes " que sont notre corps, notre parole et notre esprit, et surtout, il doit jaillir de notre cœur et non de notre cerveau. L’amour dont je parle ici n’est pas celui qui lie un homme et une femme, des amis ou les parents et leurs enfants. Bien sûr, ces formes d’affection sont belles et resteront un sujet inépuisable pour les poètes, les écrivains et les musiciens, mais elles ne sont en fait qu’une petite partie de l’amour dont je parle ici. Je pourrais encore longuement parler de l’amour, mais le mieux serait que vous me suiviez dans un parc, une forêt, dans la campagne. Couchez-vous face contre terre sur le sol, écartez les bras comme pour embrasser la planète, sentez la gratitude monter en vous et remerciez la terre. Levez-vous maintenant, et dirigez-vous vers un grand arbre au feuillage touffu. Enlacez son tronc, respirez doucement et écoutez la voix de l’arbre. Si votre cœur est à l’écoute et si l’arbre sent votre amour, il répondra. Si votre cœur s’est desséché parce que les hommes l’ont repoussé et rejeté avec indifférence, tournez donc votre amour vers la nature. La nature et l’univers ont grand besoin de votre amour. Un amour inconditionnel. Aimez l’herbe, les arbres, les nuages, le vent. L’amour est une énergie qui doit circuler et s’échanger. Rappelez-vous surtout que l’amour n’est pas un concept, mais bien une expérience! |
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Vous
qui m’avez lu jusqu’ici, me considérez-vous encore comme un moine
bouddhiste orthodoxe ou jugez-vous plutôt que mon approche est contaminée
par de nombreux éléments hétérodoxes et anticonformistes? Et cette
contamination, est-elle bonne ou mauvaise ?
Je me suis d’abord défini comme appartenant au Mahayana, puis j’ai pratiqué le Hinayana, ensuite j’ai suivi le Vajrayana et maintenant, je suis le représentant d’une Voie sans nom. Sans nom, parce que l’étiquette qu’on pourrait lui donner, quelle qu’elle soit, n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est de savoir si je vis de façon authentique, si j’ai pu dépasser les concepts et la saisie dualiste de la religion. Cette Voie Sans Nom ne définit rien comme bon ou mauvais, elle ne voit que des expériences heureuses ou douloureuses qui sont là pour nous aider à évoluer. Certaines personnes ont besoin de faire l’expérience de la souffrance pour grandir et acquérir la maturité, d’autres au contraire ont besoin d’expériences heureuses, de profiter de ce repos au bord de la route sans fin des transmigrations pour prendre conscience du cycle des morts et des naissances. Le Christianisme est né en Israël mais, de nos jours, les Israéliens suivent le Judaïsme et non le Christianisme. Le Bouddhisme est né en Inde mais, actuellement, seulement 3 % de la population est encore bouddhiste, alors que la plupart des Indiens suivent l’Hindouisme ou l’Islam. Quelle religion est la meilleure? Il y a plusieurs années, nouvellement promu comme moine enseignant, je présentais avec enthousiasme le Bouddhisme comme la meilleure des voies, mais c’était uniquement parce que, à l’époque, je connaissais bien peu des autres voies. Plus récemment, après ma sortie de retraite, j’ai lu le livre de Baird Spalding "La Vie des Maîtres" et ce fut une révélation, comme si soudain je m’éveillais et qu’un nouvel horizon s’ouvrait à moi. La vérité n’est la propriété d’aucune religion particulière. Je n’éprouve plus le besoin de parler de la vérité, tout ce que je veux à présent, c’est de m’entraîner à vivre dans l’amour, la compréhension, la sympathie et le pardon. Permettez-moi de citer ici un extrait d’un article paru dans le n° 28 du magazine " Prema ". Il s’agit d’une parabole racontée par un maître indien contemporain, Sathya Sai Baba. Il était une foi un roi vertueux qui gouvernait son peuple avec justice. Tous les gens étaient heureux et son royaume prospérait. Un jour, ses ministres et conseillers lui suggérèrent de faire venir à la cour tous les chefs spirituels et les sages représentant les différentes religions qui étaient pratiquées dans le pays. Lorsqu’ils furent tous assemblés, le roi leur dit: " Vénérables maîtres ! Aujourd’hui, à la requête de mes sujets, je souhaite nommer une de vos religions en tant que culte officiel de mon royaume. Je m’en remets à vous pour que vous décidiez par vous-mêmes et que vous arriviez à une décision unanime afin de choisir la religion qui méritera les faveurs et la protection royales. Quoi qu’il en soit, je désire que l’on choisisse une religion dont personne ne pourra réfuter les enseignements. Les années s’écoulèrent mais le roi n’obtenait toujours pas de réponse, parce que chacun était convaincu que sa propre religion était la meilleure, et aucun n’était disposé à adopter la religion des autres. Les discussions sans fin se poursuivaient d’année en année. Un jour, un saint homme qui se déplaçait dans les provinces, arriva dans le royaume. Lorsqu’il apprit que le roi cherchait en vain jusqu’à présent à découvrir quelle religion était la meilleure, il demanda audience au roi. - " Votre Majesté, je peux vous indiquer quelle religion est la meilleure, et je vous assure que personne ne pourra lui trouver de failles ou la contredire. " Apprenant qu’après tant d’années d’attente, son rêve allait enfin se réaliser, le roi fut transporté de joie. - " Parlez, je vous en prie, ne me faites pas languir d’avantage, car j’attends cet instant depuis si longtemps! " Le saint homme répondit : - " Patience, Majesté. Je ne vous révélerai le nom de cette religion qu’en un lieu vraiment calme et retiré. Demain à midi, je vous prie de me rejoindre sur les berges du Gange, nous traverserons vers la rive opposée et là, je vous dévoilerai le nom de cette religion. " Le lendemain, à midi, le roi et le sage se rencontrèrent sur les rives du Gange. Le roi ordonna qu’un bateau fut avancé pour les passer sur l’autre rive. Immédiatement, une barque s’approcha mais, au moment où le roi allait y monter, le sage l’arrêta et lui dit qu’il voulait examiner l’embarcation pour voir si elle était suffisamment sûre et en bon état. - " Non, cette barque ne convient pas, une des planches est fendue au niveau de la coque et l’eau pourrait s’y engouffrer ", lui dit le sage. Le roi fit venir une autre embarcation. En l’examinant, le sage trouva que quelques clous manquaient le long du flanc. Le roi appela une autre barque mais, après un examen minutieux, le sage la refusa parce que la peinture était écaillée. Et ainsi de suite, le sage refusait toutes les barques que faisait venir le roi, parce qu’il leur trouvait toujours l’un ou l’autre défaut. L’après-midi tirait déjà à sa fin, le crépuscule s’annonçait et le roi perdait patience. A la fin, il ne put se contenir davantage : - " Saint homme, avec tout mon respect, dit-il, depuis ce midi, vous n’avez cessé de refuser toutes les embarcations que j’ai fait venir. Je vous le demande, qu’importe que la peinture s’écaille un peu ou qu’il manque quelques clous, cela n’empêchera pas ces barques de nous conduire sur l’autre berge! Pourquoi accordez-vous tant d’importance à des détails aussi insignifiants ? " Le sage sourit alors et répondit au roi: -" Votre Majesté vient de le dire elle-même, toutes ces embarcations peuvent nous faire traverser le fleuve et atteindre l’autre rive, même si toutes présentent l’un ou l’autre petit défaut. Les différentes voies spirituelles pratiquées dans votre royaume sont semblables à ces embarcations. Chacune d’entre elles peut vous conduire à réaliser la Vérité Suprême. Chercher les défauts des différentes voies ne mène à rien et témoigne d’un manque de clarté d’esprit. Retournez aux affaires de votre royaume et continuez à gouverner avec justice et bienveillance, en accordant à toutes les religions autant de respect que s’il s’agissait de la vôtre. " Le roi se prosterna alors aux pieds du sage. Lorsqu’il se releva, il se sentait plus riche de connaissance et de sagesse. |
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(33) - Gestes rituels des mains
(34) - Hui K’o en chinois et Eka en japonais, second patriarche de l’Ecole Ch’an (Zen) en Chine. (35) - Premier patriarche de l’Ecole Ch’an (Zen) en Chine, et 28ème patriarche selon la lignée indienne (36) - souvent appelé la loi du karma (37) - Saddharmapundarika Sutra (38) - "tous les dharmas" signifie ici "tous les phénomènes". |
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