Si
vous lisez ces lignes, c'est que vous devez être de ces inconditionnels
du pays des Dragons et des Légendes, même des Légendes de Terres (plus
tellement) Sereines. Vous avez dû y aller plus d'une fois, cela vous a
sans doute beaucoup plu, et vous y retournerez bientôt, car le Vietnam
est souvent à l'origine de réactions extrêmes : soit on n'aime pas du
tout, et on ne reste que quelques jours, pour ne plus jamais y retourner,
soit, cas beaucoup plus fréquent heureusement, on est tellement séduit
par ce mélange de beautés et de laideurs que cela fascine à l'instar
d'un stupéfiant. Oui pour certains le Vietnam peut être une sorte de
drogue ! Jean Pierre Lartéguy a même parlé de " mal jaune ", qui
a fasciné, fascine et fascinera plus d'un Occidental, surtout les Français,
en particulier. Cela s'explique sans doute par près d'un siècle d'histoire
en commun entre les deux pays, par les multitudes de liens indissolubles
créés entre les deux communautés, qui se sont souvent intimement mélangées
au plus profond de leurs êtres et ce ne sont pas les Eurasiens qui me
contrediront ! Il existe en France comme dans plusieurs autres pays, une
communauté vietnamienne très diversifiée, dont les premiers éléments
sont venus en terre hexagonale à l'aube des conflits mondiaux :
la France avait besoin de bras pour ses usines et de soldats pour son armée.
Sont arrivés ensuite des étudiants venus enrichir leur éducation en
se frottant sur place à la culture de Voltaire, ils ne sont pas tous repartis
vers leur terre natale, loin de là, les beaux yeux d'une gauloise les
ayant irrémédiablement retenus...Puis après la fin de la triste guerre
du Vietnam dans les années 80 sont venus d'autres Vietnamiens chercher
une terre d'asile, que ce soit des " land people " après les camps en
Thaïlande, ou des " boat people " peut être revenus avec l'Ile de Lumière...
Au XXIe siècle une
vague plus récente est venue boucler la boucle, étudiants vietnamiens
attirés par des universités françaises, qui renouent avec la tradition
de leurs aînés un demi- siècle auparavant dans les années 60, séduits
naturellement par la culture française pérenne, mais aussi peut être
par les frais d'études bien moins élevés que dans des universités d'Outre-Atlantique.
Les relations et échanges
franco-vietnamiens sont très complexes entre deux peuples très différents
mais avec quand même bien des traits en commun. Ils datent de bien plus
d'un siècle et, récemment, ont repris de l'ampleur avec étonnamment
des coopérations d'ordre militaire, le Vietnam ayant demandé à la France
de l'aider à moderniser son armée, ce qui lui a valu la visite officielle
du Ministre français des Armées.
Cet été parmi les
millions de touristes venus au Vietnam, les milliers de Français ont sans
doute bien apprécié les grandioses festivités pour le millénaire de
Hà Nội, fêtant Thang Long la ville du Dragon Ascendant, capitale installée
là par le roi Lý Thái Tổ, festivités qui ont duré dix jours très
remplis, aux multiples manifestations tant culturelles que culinaires,
en passant par tous les autres domaines et qui ont pris fin le 10 octobre.
Ensuite
si ces mêmes touristes ont complété leur périple transvietnamien en
arrivant à la mégapole du sud Hochiminhville ex Saigon, ils auraient
pu avec un peu de chance profiter aussi d'un événement important quasi
historique, l'inauguration de la tour la plus élevée du pays, environ
trois cents mètres de haut, excusez du peu, nouveau symbole de la ville,
prenant la place du plus que centenaire marché des Halles Centrales Chợ
Bến Thành, construit par les Français, j'ai nommé la Bitexco Financial
Tower, sise pratiquement sur les berges de la rivière de Saigon, juste
en face du traiteur le plus connu de la ville Như Lan le " Fauchon local
", en plein milieu du quartier des affaires et des banques. La compagnie
a fait appel aux services d'une entreprise française - cocorico ! - mais
pas n'importe laquelle, la Prisme International, celle qui s'est déjà
chargée de l'inauguration de la plus haute structure du monde, la tour
Burj Khalifa Tower à Dubai dans les Emirats Arabes Unis, de huit cent
vingt-huit mètres de haut. Ils ont sans doute eu le privilège d'assister
aux beaux feux d'artifices et jeux de lumières dignes des illuminations
de la célèbre Fête des Lumières à Lyon, début décembre chaque année,
qui arrivent à attirer à elles seules plus de trois millions de touristes
en une semaine dans la capitale des Gaules
Ces anciennes Halles
Centrales de Saigon Chợ Bến Thành si appréciées par les touristes
sont désormais dépossédées de leur titre de symbole de la ville, titre
qu'elles détenaient depuis plus d'un siècle... La
tour Bitexco va certainement être le nouveau symbole de Saigon, tellement
les Vietnamiens épris de modernité sont désireux de se joindre au concert
des nations modernes. Mais elle ne perd rien pour attendre car un chantier
va commencer juste devant ce Chợ Bến Thành pour la construction de
tours jumelles " Saigon Twin Towers " elles aussi, comme les anciennes
de New York de triste mémoire. Mais celles ci ne feront que deux cents
mètres de hauteur, elles !
Il est intéressant
de noter que ces petites rivalités pour être LE symbole de la ville se
retrouvent à une plus grande échelle entre les deux mégapoles vietnamiennes,
la capitale Hà Nội au nord, fière gardienne des traditions millénaires,
détentrice des pouvoirs politiques, et Saigon Hochiminhville au sud, la
plus grande ville du pays avec ses quelque douze millions d'habitants approximativement,
locomotive économique du pays, attirant à elle seule la majorité des
investissements directs de l'étranger. Il est malheureusement vrai que
les deux moteurs des activités humaines sont la comparaison et la compétition...Il
est tout aussi intéressant d'élargir encore notre vue, et de penser par
exemple aux autres rivalités nord-sud dans le monde, par exemple
entre Paris et Lyon, la capitale des Gaules et la capitale tout court !
Puis entre Beijing la capitale chinoise et sa dauphine au sud, la belle
Shanghai, plus peuplée, plus florissante commercialement, pensez à sa
récente foire internationale de renommée mondiale... Outre-Atlantique
et Outre-Pacifique, dans l'état qui fascine tous les étrangers parmi
les cinquante des Etats Unis, cette Californie qui pourrait être une nation
à part entière à elle seule, on retrouve cette même rivalité nord-sud
entre San Francisco au nord, la ville du " flower power " des années soixante,
où il fait si bon vivre, et sa bouillonnante rivale du sud Los Angeles,
avec ses quatorze millions d'habitants et ses multiples communautés foisonnantes...
Nous voyons que tout cela est universel, que ce qui nous semble vietnamien
seulement est simplement humain !
Si
vous vous trouvez dans le flot de la circulation inextricable à Saigon,
vous avez du remarquer que à côté des millions de deux roues, l'on voit
maintenant de plus en plus de quatre roues, et pas n'importe lesquelles,
mais de celles que l'on voit à Genève, Monaco, Monte Carlo, vous savez,
le genre Rolls Royce, Bentley, Ferrari, Aston Martin ou Hummer. Saigon
Hochiminhville va aussi bientôt avoir son métro, deux lignes pour commencer
bien sûr, il faut un début à tout. Vous ne voyez plus passer de cyclo-pousse
du tout, et dans les quartiers du centre ville comme dans toutes les zones
touristiques, les marchands ambulants ont disparu, chassés des trottoirs
par les autorités qui veulent moderniser la ville et effacer les traces
de " l'ancienne vie". On va faire ses courses dans les grandes surfaces
comme les Lotte (il s'en est ouvert un deuxième à Phú Thọ à la place
du champ des courses hippiques) où l'on règle avec sa carte de crédit,
comme en Europe. Les nouveaux riches vont acheter leurs chemises Pierre
Cardin, leurs épouses les tailleurs Dior, leurs enfants les souliers Converse
à la dernière mode de Los Angeles dans le tout nouveau complexe Vincom
rue Dồng Khởi ex Tự Do ex Catinat...Les nostalgiques parmi vous en
seront pour leurs frais s'ils viennent à Saigon voulant revisiter les
galeries Eden de leur jeunesse, ou prendre un café chez Givral : tout
ce bloc est actuellement en démolition, pour faire place un jour à une
extension du fameux Vincom sus-cité...
Tout cela ne vous fait
il pas un peu regretter le passé, quand l'on pouvait se promener
calmement rue Catinat ? Avec ses multiples métamorphoses, ses tours immenses
de plus en plus nombreuses, Saigon va ressembler, et ressemble déjà,
aux autres mégapoles du Sud -est asiatique, comme Hong Kong, Shanghai,
Séoul, Singapore etc...Il suffit de regarder la ville de haut, tenez,
pourquoi pas depuis l'héliport de la tour Bitexco ? C'est d'ailleurs le
seul héliport d'affaires de tout le Vietnam ! Eh oui, essuyons notre petite
larme. Le Saigon que vous avez connu, que nous avons connu, n'est
plus...Vive le nouveau Saigon!
Anthony
DUCOUTUMANY
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